Les politiques profitent-ils les attentats ? | Après Société Post-Attentats
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Les politiques instrumentalisent-ils les attentats ?

Après un attentat, les politiques sont propulsés sur le devant de la scène. Obligés de réagir, ils prennent, parfois avec peu de recul, des décisions importantes. En sont-ils les premiers avantagés ?

“Mes chers compatriotes, au moment où je m’exprime, des attaques terroristes d’une ampleur sans précédent sont en cours dans l’agglomération parisienne. (…) Nous avons, sur ma décision, mobilisé toutes les forces possibles pour qu’il puisse y avoir la neutralisation des terroristes et la mise en sécurité de tous les quartiers qui peuvent être concernés. J’ai également demandé qu’il y ait des renforts militaires (…). L’état d’urgence, lui, sera proclamé sur l’ensemble du territoire. La seconde décision que j’ai prise, c’est la fermeture des frontières. (…) Je vous demande de garder ici toute votre confiance dans ce que nous pouvons faire avec les forces de sécurité pour préserver notre Nation des actes terroristes. Vive la République, Vive la France.”

Des actions et annonces rapides

Lorsque François Hollande prononce ce discours, le 13 novembre, la prise d’otages au Bataclan n’est pas encore finie. Dans cette courte prise de parole (moins de 4 minutes), le Président de la République se porte en leader du pays. D’un air solennel, il pose des mots sur l’horreur, appelle au calme et … annonce une série de mesures à effet immédiat, dont l’état d’urgence. Un régime politique donnant plus de leviers d’action au pouvoir exécutif. Une situation logique selon Vanessa Codaccioni, maître de conférence en sciences politiques à Paris: «les gouvernements tendent à monopoliser et concentrer l’ensemble des pouvoirs, et, au nom de la légitime défense étatique, à prendre des dispositions dites “exceptionnelles” pour éradiquer les menaces qui pèsent sur la nation, la République ou l’Etat. » En France, l’état d’urgence a été vivement critiqué. Prolongé sur une durée totale de près de 2 ans, plusieurs avocats et politiques ont dénoncé des bavures. Les politiques profitent-ils des attentats pour augmenter leur pouvoir et leur influence. Faut-il s’en inquiéter ? Est-ce une action délibérée ?

Les politiques profitent-ils des attentats pour augmenter leur pouvoir et leur influence ?

Pas selon l’avocat Ghislain Benhessa: “La structure gouvernementale serait, par nature, la seule en mesure de disposer des moyens nécessaires pour mettre en relation les informations, déterminer les contours de l’ennemi, ses ramifications, et adopter les axes de réplique appropriés. Les décisions prises dans l’urgence seraient rarement le fruit d’une volonté de prendre le pouvoir tant elles seraient dépendantes de la gravité et des particularités de la crise”. Aux Etats-Unis, Eric Posner et Adrian Vermeule, deux juristes proches de Georges W. Bush ont incité le président à lancer  leur pays en guerre contre le terrorisme. Plus de 10 ans après les attentats, ils estiment que les décisions prises dans la foulée des attaques, telles que le Patriot Act ou l’ouverture de la prison de Guantanamo, étaient la bonne réponse à donner aux attaques. La peur créerait une réaction, meilleure que l’immobilisme dans de telles circonstances. Et puis, toute action politique, même prise dans l’urgence, nécessite une délibération et donc, du recul. Mais est-il suffisant ?

Emotions au dessus de la raison ?

En Belgique également, les mesures se sont multipliées. Au lendemain des attentats déjoués de Verviers, 12 mesures ont été prises, 18 s’ajouteront après les attaques à Paris le 13 novembre. Au total, 30 mesures, qui, plus de 3 ans après, ne sont pas toutes effectives. « Il y a un effet de surenchère chez les politiques. Ils doivent montrer à la population qu’ils sont actifs et réactifs face aux menaces qui touchent la population » déclare Claude Debrulle, administrateur de la Ligue des Droits de l’Homme. Car, face à la peur, la population demande des réponses. Jan Jambon et François Hollande se rejoignent sur ce point: il faut répondre aux attentes du citoyen et prendre des actions pour assurer leur sécurité, tout en assurant le respect des libertés individuelles. La population, dans de tels moments, ne cherchent pas la rationalité mais à être rassurée.

Mesures Après attentats.

Mais, les mesures restent parfois d’application bien après les attentats. “Never waste a good crisis” déclarait Jan Jambon au moment de justifier l’augmentation des mesures après les attentats. “Lorsqu’une catastrophe se produit, les gens réfléchissent et acceptent des changements. Mais les décisions énoncées pour améliorer la sécurité étaient dans l’accord de gouvernement.”  Traduction: les projets étaient sur la table et parfois même lancés, même si certains étaient décriés. Le climat anxiogène lié au terrorisme et l’envie d’actions rapides pour la population ont juste permis de donner un coup d’accélérateur en augmentant les budgets, avec du personnel supplémentaire ou avec une opposition moins réfractaire, vu le contexte.

Never waste a good crisis.
/ Jan Jambon

En France aussi, l’émotion et l’union nationale derrière le Président de la République, François Hollande, (qui voyait sa cote de popularité augmenter après un acte terroriste) ont permis de reconduire, à plusieurs reprises, l’état d’urgence. Aux Etats-Unis, un élan patriotique, voire nationaliste, a aussi été constaté après les attentats du 11 septembre. Alors que Georges W. Bush ne possédait qu’une majorité fragile au Congrès, après la défection du député Jefford, le président américain est apparu en leader de la nation et a promis de retrouver les coupables. Au fil des discours, l’opinion publique a soutenu Georges Bush, qui a pu imposer ses projets politiques. Résultat ? L’Amérique s’est retrouvée en guerre en Afghanistan et en Irak, le Patriot Act a été instauré et la prison de Guantanamo construite.

 

Si, pour François Dubuisson, il est logique que les pays cherchent à améliorer leur législation pour lutter contre le terrorisme, surtout lorsque la menace est tenace, il souligne le rôle que l’urgence joue encore dans le parcours législatif. « Il devient difficile de refuser d’adopter des mesures présentées comme indispensables pour répondre efficacement à cette menace. »

 

Un exemple parmi d’autres: le PNR. Passager Name Record, voté en 2015, au Parlement européen.

L’impossible retour en arrière ?

Mais pourquoi, lorsque la menace terroriste est moins présente, que la précipitation des premiers jours laisse place à la réflexion et à la remise en cause, les politiques ne font-ils pas marche arrière ? Simplement parce qu’il serait extrêmement périlleux pour un chef d’Etat de supprimer une mesure instaurée après les attentats. Certains y verraient directement un laxisme dans la sécurité et dans la protection de la population. L’opinion publique ne le voudrait peut-être même pas. Comment les dirigeants pourraient-ils se défendre et défendre leurs actions si un nouvel acte terroriste se produisait ?

 

François Hollande, par exemple, a été critiqué par l’opposition après l’attentat au camion bélier le 14 juillet à Nice. Quelles auraient été les réactions s’il avait décidé de ne pas prolonger l’état d’urgence ? Il aurait certainement été critiqué par l’opposition et la population. Plus qu’une volonté d’instrumentalisation, les politiques seraient plutôt pris au piège. Ils n’ont d’autres choix que de continuer à nourrir ce cercle vicieux. Un attentat les oblige à annoncer des mesures. “Ne pas prendre de mesure serait un suicide politique, signale le juriste flamand, Matthias Dobbelaere-Welvaert,  il est cependant évident que les partis de droite profitent du contexte pour affirmer leur agenda politique axé sur la sécurité.” Certaines mesures, contestées, peuvent profiter d’un climat anxiogène pour être votées. Une fois inscrites dans la loi, le retour en arrière étant très compliqué, elles sont immuables remettant, au centre des débats, le délicat équilibre entre liberté de chacun et sécurité de tous.

Les politiques profitent-ils des attentats?

Après un attentat, les politiques sont propulsés sur le devant de la scène. Obligés de réagir, ils prennent, parfois avec peu de recul, des décisions importantes. En sont-ils les premiers avantagés ?

“Mes chers compatriotes, au moment où je m’exprime, des attaques terroristes d’une ampleur sans précédent sont en cours dans l’agglomération parisienne. (…) Nous avons, sur ma décision, mobilisé toutes les forces possibles pour qu’il puisse y avoir la neutralisation des terroristes et la mise en sécurité de tous les quartiers qui peuvent être concernés. J’ai également demandé qu’il y ait des renforts militaires (…). L’état d’urgence, lui, sera proclamé sur l’ensemble du territoire. La seconde décision que j’ai prise, c’est la fermeture des frontières. (…) Je vous demande de garder ici toute votre confiance dans ce que nous pouvons faire avec les forces de sécurité pour préserver notre Nation des actes terroristes. Vive la République, Vive la France.”

Des actions et annonces rapides

Lorsque François Hollande prononce ce discours, le 13 novembre, la prise d’otages au Bataclan n’est pas encore finie. Dans cette courte prise de parole (moins de 4 minutes), le Président de la République se porte en leader du pays. D’un air solennel, il pose des mots sur l’horreur, appelle au calme et … annonce une série de mesures à effet immédiat, dont l’état d’urgence. Un régime politique donnant plus de leviers d’action au pouvoir exécutif. Une situation logique selon Vanessa Codaccioni, maître de conférence en sciences politiques à Paris: «les gouvernements tendent à monopoliser et concentrer l’ensemble des pouvoirs, et, au nom de la légitime défense étatique, à prendre des dispositions dites “exceptionnelles” pour éradiquer les menaces qui pèsent sur la nation, la République ou l’Etat. » En France, l’état d’urgence a été vivement critiqué. Prolongé sur une durée totale de près de 2 ans, plusieurs avocats et politiques ont dénoncé des bavures. Les politiques profitent-ils des attentats pour augmenter leur pouvoir et leur influence. Faut-il s’en inquiéter ? Est-ce une action délibérée ?

Les politiques profitent-ils des attentats pour augmenter leur pouvoir et leur influence ?

Pas selon l’avocat Ghislain Benhessa: “La structure gouvernementale serait, par nature, la seule en mesure de disposer des moyens nécessaires pour mettre en relation les informations, déterminer les contours de l’ennemi, ses ramifications, et adopter les axes de réplique appropriés. Les décisions prises dans l’urgence seraient rarement le fruit d’une volonté de prendre le pouvoir tant elles seraient dépendantes de la gravité et des particularités de la crise”. Aux Etats-Unis, Eric Posner et Adrian Vermeule, deux juristes proches de Georges W. Bush ont incité le président à lancer  leur pays en guerre contre le terrorisme. Plus de 10 ans après les attentats, ils estiment que les décisions prises dans la foulée des attaques, telles que le Patriot Act ou l’ouverture de la prison de Guantanamo, étaient la bonne réponse à donner aux attaques. La peur créerait une réaction, meilleure que l’immobilisme dans de telles circonstances. Et puis, toute action politique, même prise dans l’urgence, nécessite une délibération et donc, du recul. Mais est-il suffisant ?

Emotions au dessus de la raison ?

En Belgique également, les mesures se sont multipliées. Au lendemain des attentats déjoués de Verviers, 12 mesures ont été prises, 18 s’ajouteront après les attaques à Paris le 13 novembre. Au total, 30 mesures, qui, plus de 3 ans après, ne sont pas toutes effectives. « Il y a un effet de surenchère chez les politiques. Ils doivent montrer à la population qu’ils sont actifs et réactifs face aux menaces qui touchent la population » déclare Claude Debrulle, administrateur de la Ligue des Droits de l’Homme. Car, face à la peur, la population demande des réponses. Jan Jambon et François Hollande se rejoignent sur ce point: il faut répondre aux attentes du citoyen et prendre des actions pour assurer leur sécurité, tout en assurant le respect des libertés individuelles. La population, dans de tels moments, ne cherchent pas la rationalité mais à être rassurée.

Mesures Après attentats.

Mais, les mesures restent parfois d’application bien après les attentats. “Never waste a good crisis” déclarait Jan Jambon au moment de justifier l’augmentation des mesures après les attentats. “Lorsqu’une catastrophe se produit, les gens réfléchissent et acceptent des changements. Mais les décisions énoncées pour améliorer la sécurité étaient dans l’accord de gouvernement.”  Traduction: les projets étaient sur la table et parfois même lancés, même si certains étaient décriés. Le climat anxiogène lié au terrorisme et l’envie d’actions rapides pour la population ont juste permis de donner un coup d’accélérateur en augmentant les budgets, avec du personnel supplémentaire ou avec une opposition moins réfractaire, vu le contexte.

Never waste a good crisis.
/ Jan Jambon

En France aussi, l’émotion et l’union nationale derrière le Président de la République, François Hollande, (qui voyait sa cote de popularité augmenter après un acte terroriste) ont permis de reconduire, à plusieurs reprises, l’état d’urgence. Aux Etats-Unis, un élan patriotique, voire nationaliste, a aussi été constaté après les attentats du 11 septembre. Alors que Georges W. Bush ne possédait qu’une majorité fragile au Congrès, après la défection du député Jefford, le président américain est apparu en leader de la nation et a promis de retrouver les coupables. Au fil des discours, l’opinion publique a soutenu Georges Bush, qui a pu imposer ses projets politiques. Résultat ? L’Amérique s’est retrouvée en guerre en Afghanistan et en Irak, le Patriot Act a été instauré et la prison de Guantanamo construite.

 

Si, pour François Dubuisson, il est logique que les pays cherchent à améliorer leur législation pour lutter contre le terrorisme, surtout lorsque la menace est tenace, il souligne le rôle que l’urgence joue encore dans le parcours législatif. « Il devient difficile de refuser d’adopter des mesures présentées comme indispensables pour répondre efficacement à cette menace. »

 

Un exemple parmi d’autres: le PNR. Passager Name Record, voté en 2015, au Parlement européen.

L’impossible retour en arrière ?

Mais pourquoi, lorsque la menace terroriste est moins présente, que la précipitation des premiers jours laisse place à la réflexion et à la remise en cause, les politiques ne font-ils pas marche arrière ? Simplement parce qu’il serait extrêmement périlleux pour un chef d’Etat de supprimer une mesure instaurée après les attentats. Certains y verraient directement un laxisme dans la sécurité et dans la protection de la population. L’opinion publique ne le voudrait peut-être même pas. Comment les dirigeants pourraient-ils se défendre et défendre leurs actions si un nouvel acte terroriste se produisait ?

 

François Hollande, par exemple, a été critiqué par l’opposition après l’attentat au camion bélier le 14 juillet à Nice. Quelles auraient été les réactions s’il avait décidé de ne pas prolonger l’état d’urgence ? Il aurait certainement été critiqué par l’opposition et la population. Plus qu’une volonté d’instrumentalisation, les politiques seraient plutôt pris au piège. Ils n’ont d’autres choix que de continuer à nourrir ce cercle vicieux. Un attentat les oblige à annoncer des mesures. “Ne pas prendre de mesure serait un suicide politique, signale le juriste flamand, Matthias Dobbelaere-Welvaert,  il est cependant évident que les partis de droite profitent du contexte pour affirmer leur agenda politique axé sur la sécurité.” Certaines mesures, contestées, peuvent profiter d’un climat anxiogène pour être votées. Une fois inscrites dans la loi, le retour en arrière étant très compliqué, elles sont immuables remettant, au centre des débats, le délicat équilibre entre liberté de chacun et sécurité de tous.

Les politiques profitent-ils des attentats?

Après un attentat, les politiques sont propulsés sur le devant de la scène. Obligés de réagir, ils prennent, parfois avec peu de recul, des décisions importantes. En sont-ils les premiers avantagés ?

“Mes chers compatriotes, au moment où je m’exprime, des attaques terroristes d’une ampleur sans précédent sont en cours dans l’agglomération parisienne. (…) Nous avons, sur ma décision, mobilisé toutes les forces possibles pour qu’il puisse y avoir la neutralisation des terroristes et la mise en sécurité de tous les quartiers qui peuvent être concernés. J’ai également demandé qu’il y ait des renforts militaires (…). L’état d’urgence, lui, sera proclamé sur l’ensemble du territoire. La seconde décision que j’ai prise, c’est la fermeture des frontières. (…) Je vous demande de garder ici toute votre confiance dans ce que nous pouvons faire avec les forces de sécurité pour préserver notre Nation des actes terroristes. Vive la République, Vive la France.”

Des actions et annonces rapides

Lorsque François Hollande prononce ce discours, le 13 novembre, la prise d’otages au Bataclan n’est pas encore finie. Dans cette courte prise de parole (moins de 4 minutes), le Président de la République se porte en leader du pays. D’un air solennel, il pose des mots sur l’horreur, appelle au calme et … annonce une série de mesures à effet immédiat, dont l’état d’urgence. Un régime politique donnant plus de leviers d’action au pouvoir exécutif. Une situation logique selon Vanessa Codaccioni, maître de conférence en sciences politiques à Paris: «les gouvernements tendent à monopoliser et concentrer l’ensemble des pouvoirs, et, au nom de la légitime défense étatique, à prendre des dispositions dites “exceptionnelles” pour éradiquer les menaces qui pèsent sur la nation, la République ou l’Etat. » En France, l’état d’urgence a été vivement critiqué. Prolongé sur une durée totale de près de 2 ans, plusieurs avocats et politiques ont dénoncé des bavures. Les politiques profitent-ils des attentats pour augmenter leur pouvoir et leur influence. Faut-il s’en inquiéter ? Est-ce une action délibérée ?

Les politiques profitent-ils des attentats pour augmenter leur pouvoir et leur influence ?

Pas selon l’avocat Ghislain Benhessa: “La structure gouvernementale serait, par nature, la seule en mesure de disposer des moyens nécessaires pour mettre en relation les informations, déterminer les contours de l’ennemi, ses ramifications, et adopter les axes de réplique appropriés. Les décisions prises dans l’urgence seraient rarement le fruit d’une volonté de prendre le pouvoir tant elles seraient dépendantes de la gravité et des particularités de la crise”. Aux Etats-Unis, Eric Posner et Adrian Vermeule, deux juristes proches de Georges W. Bush ont incité le président à lancer  leur pays en guerre contre le terrorisme. Plus de 10 ans après les attentats, ils estiment que les décisions prises dans la foulée des attaques, telles que le Patriot Act ou l’ouverture de la prison de Guantanamo, étaient la bonne réponse à donner aux attaques. La peur créerait une réaction, meilleure que l’immobilisme dans de telles circonstances. Et puis, toute action politique, même prise dans l’urgence, nécessite une délibération et donc, du recul. Mais est-il suffisant ?

Emotions au dessus de la raison ?

En Belgique également, les mesures se sont multipliées. Au lendemain des attentats déjoués de Verviers, 12 mesures ont été prises, 18 s’ajouteront après les attaques à Paris le 13 novembre. Au total, 30 mesures, qui, plus de 3 ans après, ne sont pas toutes effectives. « Il y a un effet de surenchère chez les politiques. Ils doivent montrer à la population qu’ils sont actifs et réactifs face aux menaces qui touchent la population » déclare Claude Debrulle, administrateur de la Ligue des Droits de l’Homme. Car, face à la peur, la population demande des réponses. Jan Jambon et François Hollande se rejoignent sur ce point: il faut répondre aux attentes du citoyen et prendre des actions pour assurer leur sécurité, tout en assurant le respect des libertés individuelles. La population, dans de tels moments, ne cherchent pas la rationalité mais à être rassurée.

Mesures Après attentats.

Mais, les mesures restent parfois d’application bien après les attentats. “Never waste a good crisis” déclarait Jan Jambon au moment de justifier l’augmentation des mesures après les attentats. “Lorsqu’une catastrophe se produit, les gens réfléchissent et acceptent des changements. Mais les décisions énoncées pour améliorer la sécurité étaient dans l’accord de gouvernement.”  Traduction: les projets étaient sur la table et parfois même lancés, même si certains étaient décriés. Le climat anxiogène lié au terrorisme et l’envie d’actions rapides pour la population ont juste permis de donner un coup d’accélérateur en augmentant les budgets, avec du personnel supplémentaire ou avec une opposition moins réfractaire, vu le contexte.

Never waste a good crisis.
/ Jan Jambon

En France aussi, l’émotion et l’union nationale derrière le Président de la République, François Hollande, (qui voyait sa cote de popularité augmenter après un acte terroriste) ont permis de reconduire, à plusieurs reprises, l’état d’urgence. Aux Etats-Unis, un élan patriotique, voire nationaliste, a aussi été constaté après les attentats du 11 septembre. Alors que Georges W. Bush ne possédait qu’une majorité fragile au Congrès, après la défection du député Jefford, le président américain est apparu en leader de la nation et a promis de retrouver les coupables. Au fil des discours, l’opinion publique a soutenu Georges Bush, qui a pu imposer ses projets politiques. Résultat ? L’Amérique s’est retrouvée en guerre en Afghanistan et en Irak, le Patriot Act a été instauré et la prison de Guantanamo construite.

 

Si, pour François Dubuisson, il est logique que les pays cherchent à améliorer leur législation pour lutter contre le terrorisme, surtout lorsque la menace est tenace, il souligne le rôle que l’urgence joue encore dans le parcours législatif. « Il devient difficile de refuser d’adopter des mesures présentées comme indispensables pour répondre efficacement à cette menace. »

 

Un exemple parmi d’autres: le PNR. Passager Name Record, voté en 2015, au Parlement européen.

L’impossible retour en arrière ?

Mais pourquoi, lorsque la menace terroriste est moins présente, que la précipitation des premiers jours laisse place à la réflexion et à la remise en cause, les politiques ne font-ils pas marche arrière ? Simplement parce qu’il serait extrêmement périlleux pour un chef d’Etat de supprimer une mesure instaurée après les attentats. Certains y verraient directement un laxisme dans la sécurité et dans la protection de la population. L’opinion publique ne le voudrait peut-être même pas. Comment les dirigeants pourraient-ils se défendre et défendre leurs actions si un nouvel acte terroriste se produisait ?

 

François Hollande, par exemple, a été critiqué par l’opposition après l’attentat au camion bélier le 14 juillet à Nice. Quelles auraient été les réactions s’il avait décidé de ne pas prolonger l’état d’urgence ? Il aurait certainement été critiqué par l’opposition et la population. Plus qu’une volonté d’instrumentalisation, les politiques seraient plutôt pris au piège. Ils n’ont d’autres choix que de continuer à nourrir ce cercle vicieux. Un attentat les oblige à annoncer des mesures. “Ne pas prendre de mesure serait un suicide politique, signale le juriste flamand, Matthias Dobbelaere-Welvaert,  il est cependant évident que les partis de droite profitent du contexte pour affirmer leur agenda politique axé sur la sécurité.” Certaines mesures, contestées, peuvent profiter d’un climat anxiogène pour être votées. Une fois inscrites dans la loi, le retour en arrière étant très compliqué, elles sont immuables remettant, au centre des débats, le délicat équilibre entre liberté de chacun et sécurité de tous.

Les politiques profitent-ils des attentats?

Après un attentat, les politiques sont propulsés sur le devant de la scène. Obligés de réagir, ils prennent, parfois avec peu de recul, des décisions importantes. En sont-ils les premiers avantagés ?

“Mes chers compatriotes, au moment où je m’exprime, des attaques terroristes d’une ampleur sans précédent sont en cours dans l’agglomération parisienne. (…) Nous avons, sur ma décision, mobilisé toutes les forces possibles pour qu’il puisse y avoir la neutralisation des terroristes et la mise en sécurité de tous les quartiers qui peuvent être concernés. J’ai également demandé qu’il y ait des renforts militaires (…). L’état d’urgence, lui, sera proclamé sur l’ensemble du territoire. La seconde décision que j’ai prise, c’est la fermeture des frontières. (…) Je vous demande de garder ici toute votre confiance dans ce que nous pouvons faire avec les forces de sécurité pour préserver notre Nation des actes terroristes. Vive la République, Vive la France.”

Des actions et annonces rapides

Lorsque François Hollande prononce ce discours, le 13 novembre, la prise d’otages au Bataclan n’est pas encore finie. Dans cette courte prise de parole (moins de 4 minutes), le Président de la République se porte en leader du pays. D’un air solennel, il pose des mots sur l’horreur, appelle au calme et … annonce une série de mesures à effet immédiat, dont l’état d’urgence. Un régime politique donnant plus de leviers d’action au pouvoir exécutif. Une situation logique selon Vanessa Codaccioni, maître de conférence en sciences politiques à Paris: «les gouvernements tendent à monopoliser et concentrer l’ensemble des pouvoirs, et, au nom de la légitime défense étatique, à prendre des dispositions dites “exceptionnelles” pour éradiquer les menaces qui pèsent sur la nation, la République ou l’Etat. » En France, l’état d’urgence a été vivement critiqué. Prolongé sur une durée totale de près de 2 ans, plusieurs avocats et politiques ont dénoncé des bavures. Les politiques profitent-ils des attentats pour augmenter leur pouvoir et leur influence. Faut-il s’en inquiéter ? Est-ce une action délibérée ?

Les politiques profitent-ils des attentats pour augmenter leur pouvoir et leur influence ?

Pas selon l’avocat Ghislain Benhessa: “La structure gouvernementale serait, par nature, la seule en mesure de disposer des moyens nécessaires pour mettre en relation les informations, déterminer les contours de l’ennemi, ses ramifications, et adopter les axes de réplique appropriés. Les décisions prises dans l’urgence seraient rarement le fruit d’une volonté de prendre le pouvoir tant elles seraient dépendantes de la gravité et des particularités de la crise”. Aux Etats-Unis, Eric Posner et Adrian Vermeule, deux juristes proches de Georges W. Bush ont incité le président à lancer  leur pays en guerre contre le terrorisme. Plus de 10 ans après les attentats, ils estiment que les décisions prises dans la foulée des attaques, telles que le Patriot Act ou l’ouverture de la prison de Guantanamo, étaient la bonne réponse à donner aux attaques. La peur créerait une réaction, meilleure que l’immobilisme dans de telles circonstances. Et puis, toute action politique, même prise dans l’urgence, nécessite une délibération et donc, du recul. Mais est-il suffisant ?

Emotions au dessus de la raison ?

En Belgique également, les mesures se sont multipliées. Au lendemain des attentats déjoués de Verviers, 12 mesures ont été prises, 18 s’ajouteront après les attaques à Paris le 13 novembre. Au total, 30 mesures, qui, plus de 3 ans après, ne sont pas toutes effectives. « Il y a un effet de surenchère chez les politiques. Ils doivent montrer à la population qu’ils sont actifs et réactifs face aux menaces qui touchent la population » déclare Claude Debrulle, administrateur de la Ligue des Droits de l’Homme. Car, face à la peur, la population demande des réponses. Jan Jambon et François Hollande se rejoignent sur ce point: il faut répondre aux attentes du citoyen et prendre des actions pour assurer leur sécurité, tout en assurant le respect des libertés individuelles. La population, dans de tels moments, ne cherchent pas la rationalité mais à être rassurée.

Mesures Après attentats.

Mais, les mesures restent parfois d’application bien après les attentats. “Never waste a good crisis” déclarait Jan Jambon au moment de justifier l’augmentation des mesures après les attentats. “Lorsqu’une catastrophe se produit, les gens réfléchissent et acceptent des changements. Mais les décisions énoncées pour améliorer la sécurité étaient dans l’accord de gouvernement.”  Traduction: les projets étaient sur la table et parfois même lancés, même si certains étaient décriés. Le climat anxiogène lié au terrorisme et l’envie d’actions rapides pour la population ont juste permis de donner un coup d’accélérateur en augmentant les budgets, avec du personnel supplémentaire ou avec une opposition moins réfractaire, vu le contexte.

Never waste a good crisis.
/ Jan Jambon

En France aussi, l’émotion et l’union nationale derrière le Président de la République, François Hollande, (qui voyait sa cote de popularité augmenter après un acte terroriste) ont permis de reconduire, à plusieurs reprises, l’état d’urgence. Aux Etats-Unis, un élan patriotique, voire nationaliste, a aussi été constaté après les attentats du 11 septembre. Alors que Georges W. Bush ne possédait qu’une majorité fragile au Congrès, après la défection du député Jefford, le président américain est apparu en leader de la nation et a promis de retrouver les coupables. Au fil des discours, l’opinion publique a soutenu Georges Bush, qui a pu imposer ses projets politiques. Résultat ? L’Amérique s’est retrouvée en guerre en Afghanistan et en Irak, le Patriot Act a été instauré et la prison de Guantanamo construite.

 

Si, pour François Dubuisson, il est logique que les pays cherchent à améliorer leur législation pour lutter contre le terrorisme, surtout lorsque la menace est tenace, il souligne le rôle que l’urgence joue encore dans le parcours législatif. « Il devient difficile de refuser d’adopter des mesures présentées comme indispensables pour répondre efficacement à cette menace. »

 

Un exemple parmi d’autres: le PNR. Passager Name Record, voté en 2015, au Parlement européen.

L’impossible retour en arrière ?

Mais pourquoi, lorsque la menace terroriste est moins présente, que la précipitation des premiers jours laisse place à la réflexion et à la remise en cause, les politiques ne font-ils pas marche arrière ? Simplement parce qu’il serait extrêmement périlleux pour un chef d’Etat de supprimer une mesure instaurée après les attentats. Certains y verraient directement un laxisme dans la sécurité et dans la protection de la population. L’opinion publique ne le voudrait peut-être même pas. Comment les dirigeants pourraient-ils se défendre et défendre leurs actions si un nouvel acte terroriste se produisait ?

 

François Hollande, par exemple, a été critiqué par l’opposition après l’attentat au camion bélier le 14 juillet à Nice. Quelles auraient été les réactions s’il avait décidé de ne pas prolonger l’état d’urgence ? Il aurait certainement été critiqué par l’opposition et la population. Plus qu’une volonté d’instrumentalisation, les politiques seraient plutôt pris au piège. Ils n’ont d’autres choix que de continuer à nourrir ce cercle vicieux. Un attentat les oblige à annoncer des mesures. “Ne pas prendre de mesure serait un suicide politique, signale le juriste flamand, Matthias Dobbelaere-Welvaert,  il est cependant évident que les partis de droite profitent du contexte pour affirmer leur agenda politique axé sur la sécurité.” Certaines mesures, contestées, peuvent profiter d’un climat anxiogène pour être votées. Une fois inscrites dans la loi, le retour en arrière étant très compliqué, elles sont immuables remettant, au centre des débats, le délicat équilibre entre liberté de chacun et sécurité de tous.